retour
Souvenirs de pêche
   Je dois tout d'abord préciser que la pratique de la pêche du bord a été mon premier contact avec la  mer et surtout avec la vie qu'elle abrite. Durant des années et même après m'être "accroché" à la plongée sous-marine, c'est bel et bien par la pêche à la ligne que j'ai appris le plus de choses sur les poissons méditerranéens.
Voici comment au fil des années j'ai évolué au fil de ma ligne:
  • Les années Vieux Port... A l'âge de 8 ans, tout ce que l'on réalise par ses propres moyens nous fait grandir et nous procure une fierté sans pareille lorsque nos proches flattent nos exploits.    Au Vieux Port, je n'ai plus souvenir du papi qui m'avait soufflé un précieux conseil, mais grâce à lui, j'avais mis au point la pêche aux Gobies à la traîne. Avec le plus simple matériel : une bobine de fil, trois ou quatre grenailles et un hameçon de 16; juste ce qu'il fallait pour envoyer à quelques mètres du quai la ligne appâtée d'un bout d'esque molle que je ramenais ensuite lentement par de petits mouvements de doigts et une application extrême. Chaque coup était payant, ou presque,  parfois miraculeux lorsque je ferrais un beau Pataclet ou un Serré-blanc. Lorsque je ramenais ma soupe de poissons à mes parents, qui eux mêmes la pêchaient d'une autre manière, j'avais alors accompli ma mission la plus importante de la semaine. En effet, chaque jeudi après-midi avec mon Papi et le mercredi par la suite avec ma Tatie... nous prenions le bus '46' et nous partions pour le Fort St Jean.
  • Les Pierres-plates... L'étape suivante, c'était la pêche aux trous dans les blocs qui longeaient le quai. C'est incroyable le nombre de Grands-pères que l'on rencontre autour du port, qui parlent comme des livres d'histoires et de qui chaque conseil a la valeur d'un trésor. En l'occurrence, j'avais appris comment trouver quelques esques dures dans la végétation qui couvrait les rochers... je n'étais plus tributaire du marchand d'appâts, je faisais une économie "importante" et ce gain d'autonomie donnait à mes sorties un goût d'aventure supplémentaire. Je m'étais alors confectionné une canne très courte avec un scion monté sur un petit manchon, et en guise de moulinet, un petit rembobine-fil (le fameux "cric"). Le bas de ligne de rigueur était constitué d'un plomb coulissant fait maison de 15 gr et d'un hameçon n°15 que j'avais appris de mon père à monter moi-même !
  • Les sorties avec mon Père... Mon Père sortait tous les samedis à la Daurade, et lorsqu'il m'emmenait avec lui, c'était la plus belle de mes récompenses. Les traversées à Riou au départ de Callelongue, Plane, le Frioul, Ponteau, Niolon... pour les principaux coins. Moi, je me débrouillais dans mon coin à pêcher, fouiller les rochers et à observer toutes les curiosités de la nature. Et quand mon Père clouait une Daurade, la scène était digne des récits de Pagnol quand son père, Joseph, tirait la Bartavelle. En grandissant, j'ai commencé par l'imiter, puis rapidement, j'ai opté pour d'autres méthodes de pêche, plus fines et plus actives. Caler 3 cannes et attendre le chant du moulinet ne me suffisait plus et j'avais par ailleurs rapidement compris qu'il y avait beaucoup plus de poissons à 10 mètres du bord qu'à 100 mètres. Quelques années plus tard, nous pêchions ensemble le long des quais, cannes à buscles, bromet et montages fins avec moules, sardines et crabes carrés à la place des bibis, mourrons et autres appâts dormants. (voir la suite des étapes).
  • Le J4... L'évolution de la pêche aux trous (aux Pierres-plates). C'est juste un peu plus loin, au bout du même quai (phare vert), et on appelait ça le J4 car ce quai se trouvait juste derrière nous. J'y ai fait la rencontre qui allait tout changer, point de départ d'une nouvelle approche de la pêche à la ligne qui au fil des année allait devenir  pour moi une réelle philosophie. C'était la rencontre de Pépé mendole  (il faut prononcer "mendoule"), c'était le maître de la buscle, ce scion fin que l'on adapte au bout d'une canne. Il affûtait la fibre de verre jusqu'à lui donner un diamètre inférieur au demi millimètre. Courbée par un plombage d'à peine 2 gr, aucune vibration ne lui échappait. Le moindre effleurement de l'appât par un poisson est alors perceptible, même dans le balancement de la pointe causé par le vent ou les vagues. Pépé mendole descendait tous les jours en bus de Chutes-la-vie avec sa canne à pêche et quelques moules soigneusement préparées pour ramener quelques belles Mendoles, belles comme nulle part ailleurs et si difficiles à épingler au raz du quai ! ... quel apprentissage ! merci professeur Brignolles. Au fil des années et aussi des saisons, j'ai pu faire évoluer cette technique, surtout au printemps, tout d'abord avec la période des Museaux-pointus puis celle des Maquereaux et des Muges (à la sardine).
  • Le quai minéralier à Fos... Du jour où j'ai eu mon permis et ma première 4L, j'ai pu explorer d'autres coins. Le plus marquant après le J4 a été le quai minéralier. Un ami de mon Père, René, nous y avait conduit pour pêcher le Congre de nuit. Mais en y retournant avec mes cannes à buscles, j'allais rapidement y trouver un tas d'autres poissons (au bord du quai) : Muges, Maquereaux l'après-midi et à la nuit tombée, Sars et Loup; surtout mon premier gros Loup qui dépassait les 3 kg, vraiment de quoi réveiller les parents en rentrant à la maison vers 3-4 heures du mat ! A ce coin là, j'y ai pris de tout, même des Capelans au raz du quai et 2 Homards avec les cannes à Congres ... jusqu'au jour où l'accès à ce quai a été interdit.
  • Niolon...  Ce petit coin de la Cote Bleue, où j'avais déjà passé avec mon Père quelques belles journées, était alors devenu mon nouveau repère nocturne. Un poste que je connaissais bien, toujours les mêmes cannes pour Congres et Murènes et surtout cannes à buscles pour chercher tout près du bord Sars et Loups. Bien loin de la tranquillité des quais, où mes buscles peintes de blanc brillaient sous le faisceau d'un petit phare relié à une batterie, je devais me contenter de placer des bobines vide surmontées d'une clochette sur chaque fil, pick-up ouvert, pour signaler dans le noir les touches. Généralement, entre la nuit tombée et 1h30, ça n'arrêtait pas... Le chant de ces clochettes et les bobines qui sautaient en l'air me résonnent encore dans la tête.   Et il s'est confirmé, après l'expérience de Fos, que les Congres n'étaient très actifs que les nuits sans lune ou faiblement illuminées, et qu'en revanche, les Loups se montraient beaucoup plus actifs par pleine lune. Quelques temps plus tard, je laissais tomber les Congres pour me caler au bord de l'eau, canne à buscle de 6 mètres avec pour simple éclairage la lune et la pleine sérénité nocturne pour attendre le Loup.
  • Le 98 du Port autonome... L'accès aux quais, que j'ai pu conserver durant quelques années, m'aura permis, en pêchant une à deux fois par semaine au même endroit, de suivre les déplacements et le comportement des poissons en fonction des saisons, du temps, de la lune... C'est là aussi que j'ai commencé à pêcher avec le matériel idéal que je ne changerai d'ailleurs plus jamais: deux cannes à coup sur lesquelles j'ai aligné des viroles en laiton avec un modèle de buscle comme on n'en trouve plus (120 cm et fibre vert foncé pour les connaisseurs), de tout petits anneaux en céramique et un porte-moulinet à ressort. Deux micro-moulinets "Marlin" remplis avec 100m de 18/100°, parmi les premiers modèles montés sur roulements à billes. Un matériel si frêle avec lequel j'allais sortir de si beaux poissons !   Cet endroit était magique. A l'intérieur, coté avant-port, pêche à quai classique, panier-siège, éclairage et mes deux buscles et quand cela était possible, une ou deux calées supplémentaires pour le Loup (bobine vide sur fil, pick-up ouvert). La ligne de base, c'était une bille coulissante de 2 à 3 gr et un hameçon n°6 blanc droit pour tout pêcher (petite lanière de sardine). Pour uniquement les Loups et éventuellement les gros Sars, c'était hameçon n°4 bleu renversé avec une tranche, ou encore mieux, une tête de sardine et un plomb rond de 10 à 15 gr pour les calées. Pour info, je n'ai jamais décroché un Loup avec ces hameçons, ce qui n'a pas été le cas avec du 8 ou 10 blanc en cherchant le Muge ou en choisissant pour le Loup un bleu n°2 ou plus gros. Pourquoi des plombs ronds comme des billes ? Tout simplement parce que là où ils peuvent entrer, ils peuvent sortir et on enrague quasiment jamais. Et pourquoi des têtes de sardines ? Parce qu'au début, je les utilisais comme bromet et que je les retrouvais toutes dans le ventre des Loups que je pêchais.   J'y ai fait de superbes pêches, à l'automne c'était résultat garanti !... La plus belle, une nuit d'octobre où de gros Thons rouges chassaient à la sortie du port; la pire, une nuit d'octobre où de gros Thons rouges chassaient devant le quai !!!... mais quel souvenir !
  • Les nuits au Frioul... Une véritable petite expédition. Départ avec une navette du milieu d'après midi (jamais la dernière)... installation sur le quai central pour y mettre en action mes deux buscles, sardine et/ou moule pour commencer avec quelques Muges, Sars ou éventuellement Daurades pour l'essentiel en attendant la nuit... la nuit tombée, j'ajoutais au moins deux calées et c'était parti avec des moments plus ou moins actifs jusqu'à 1h30 à 2h00 du mat. Après, c'était l'accalmie jusqu'à l'approche de l'aube. Là, nous avions profité du temps mort pour déménager vers le quai de l'embarcadère pour y finir la nuit, mais surtout parce qu'au lever du jour il y passait des gros Loups, des pépères que l'on ne sortait que s'ils ne passaient pas sous le quai où cordages et piliers couverts de moules en assuraient la perte. Le gros Loup ne bataille pas très longtemps, mais avec un matériel aussi léger, pendant quelques minutes il fait ce qu'il veut et va où il veut avant de remonter en surface et se laisser ramener au salabre... Parfois nous laissions même passer la première navette pour mieux profiter de ce moment magique.
  • La capitainerie du port de Bandol... Le petit coin tranquille, avec les ambiances estivales du port en juillet-août. Le jour, on y voit le fond avec des pneus et toutes sortes d'incivilités humaines. A peine 3 mètres d'eau ! Comment imaginer qu'autant de poissons puissent longer ce quai la nuit venue ? Mais lorsqu'on connaît bien le biotope des ports, grands et petits, un véritable bouillon de vie, alors on sait... Nous savons surtout qu'il faut pêcher avec la discrétion la plus stricte qu'il soit. Pas de lumière ni de discussion à voix haute, assis parterre, immobile, avec les gestes les plus doux possibles pour lever et reposer les cannes... les poissons sont là, juste à nos pieds. Les yeux rivés sur la pointe des buscles, concentration maximale (comme d'hab), il n'y a plus qu'à savourer !   J'y ai pris un de mes plus gros Loups, (5kg050) et bien d'autres.
  • Le Cap Jannet... Le port autonome est un réservoir de vie qui renferme une incroyable biodiversité. J'ai découvert ce coin grâce à un ami, Antoine, (que je salue là où il repose...) Alors que je faisais les 3x8, j'allais de temps en temps faire le lever du jour, à l'automne, moment où les Daurades viennent au pied du quai et remontent le long de la paroi pour y croquer quelques moules. J'en garde deux gros souvenir: une Daurade de plus de 3 kg piquée avant le lever du jour, et l'observation par eau claire d'un banc de Daurades accompagnées de Sars pendant au moins une heure le long de la paroi du quai. Un instant féerique qui vaut plus que n'importe quelle prise, si miraculeuse qu'elle soit.
  • Retour au Fort St Jean... Retour aux origines ! le 98 n'étant plus accessible, je retrouvais le calme et la sérénité nocturne du Vieux Port, agrémentés de tam-tams et des ambiances d'été au plus chaud de la saison. Quelque chose qui fait qu'il faisait si bon d'y passer une partie de la nuit ! Bien installé au pied de la tour, toujours avec mes 2 buscles "maison", calé sur mon panier siège, j'attendais l'extinction des projecteurs du fort, vers 1h00 ou 2h00. 20 minutes plus tard, les Loups entraient dans la passe, quelques Sars et Muges aussi. Le plus souvent de nuit, mais aussi quelques levers du jour aussi calmes que fructueux.
  • L'anse du Prado... Quel contraste sur ces plages entre les journées d'été et le calme nocturne ! Mais c'est au plus froid de l'hiver (janvier - février), que les gros Loups entrent en plage la nuit pour s'y nourrir et plus particulièrement les nuits de pleine lune. Une eau  claire, 2 à 3 mètres de profondeur, même assis presque au raz de l'eau, immobile (toujours), je voyais de belles ombres se promener sur le fond de sable. 3 ou 4 cannes à buscle calées pick-up ouvert, bobine vide sur le fil, j'attendais le passage. Entre 1h00 et 2h00, c'était le bon départ ! Quelques heures d'attente, un seul poisson, mais lequel !.. 2, 3, 4 kg, je n'en voulais pas plus.
  • La Pointe Rouge... Des Loups moins gros qu'au Prado, mais aussi des Sars. Plutôt entre 23h00 et 1h00. Mais le plus mémorable en ce lieu, c'était les nuits où les Calmars envahissaient la plage et se jetaient sur mes anchois et mes bouts de sardine. Je les ramenais jusqu'au bord, puis dès qu'ils voyaient le salabre, ils lâchaient tout ! Nous n'avions ni turlutte, ni romagnole, mais nous passions un bon moment ... sans rien prendre !
  • Le canal de Caronte... Ah, la pêche à quai !.. bien installé, 2 ou 3 cannes à buscles et déconnections totale. Concentré sur les buscles, toujours quelques touches qui en disent long sur les poissons présents et dans la matinée, au changement de courant, toujours quelques Muges et parfois aussi quelques Loups. Un de ces coins où rentrer bredouille est presque impossible ! Meilleure prise, un Loup de 5kg100, de nuit, juste au changement de courant.
  • Le lac d'Esparron... Une période (1972-1977), où je passais un ou deux mois d'été plus quelques jours dans l'année chez mon ami Gilles. Il m'a fait découvrir les finesses de la pêche en eau douce et les nombreuses espèces du lac. Un apprentissage qui fait de la pêche une science où l'on appréhende les limites du matériel, la préparation d'un poste de pêche, la signification des touche, etc... monter des hameçons n°26, taquiner la Carpe sur du 8/100°, faire une culture d'asticot et adapter ses techniques pour chaque espèce. D'ailleurs, c'est avec les Poissons d'eau douce que je produisais mes premières fiches structurées avec photo, description, mode de vie... La meilleure école qui soit pour optimiser ensuite sa technique en mer.
En bateau
  • La pêche à la pierre... Remise en question totale, ou presque ! Une nouvelle technique: la pêche à la pierre... une canne à buscle de 2m70, un petit "super" moulinet avec 150 m de 20/100° et des hameçons de 6, blancs droits à tige courte. Pour le reste, un seau de pierres, des élastiques et 2 kg de moules. Ensuite, il faut un peu de pratique pour mettre la moule, chercher la touche et avant tout, identifier un fond favorable au sondeur et y mouiller correctement dessus. Pour finir, il n'y a que l'expérience qui permette de sortir un Pagre ou une Daurade de 2 à 3 kg avec ce matériel !   L'inconvénient, on prend beaucoup de petits poissons: Serrans, Girelles, Barbiers avec quoi on peut faire de bonnes soupes, et les Veirades trop petites (<250 gr) qu'il faut remettre à l'eau. Mais la présence de ces petits poissons est aussi un bon signe et leur activité attire la curiosité des gros.
    • La Bonite... Avec quelques souvenirs de pêche au grand Congloue à Riou, avec le zodiac d'un ami dans les années 80, me voilà reparti avec mon bateau ce coup-ci, mais sur Planier, à la rencontre de ces poissons dont la bataille n'a aucune commune mesure avec les autres poissons, mis à part les Maquereaux en rapport de leur taille. Les Bonites, c'est juin-octobre au bromet et ensuite à la traîne.
Septembre-octobre, c'est la meilleure saison, il y en a même au large de l'Estaque (au milieu des Maquereaux).
Quelques photos de pêches
... à suivre